Le latin dans la Gaule romaine

Publié le par Granier de Cassagnac

 
 
 
Lorsque Rome avait soumis un peuple, elle se l'attachait par des faveurs. La plus ambitionnée de toutes était celle de citoyen romain. Elle fut accordée peu à peu aux premières familles de la Gaule et de l'Espagne, pays riches et guerriers dont la jeunesse fournissait la principale force des armées romaines. A cette première faveur vint s'ajouter celle qui était le couronnement de toutes les autres, l'admission au sénat.

La juste ambition d'être associé aux droits et au gouvernement des Romains détermina donc, dans tous les pays soumis, un certain nombre de familles à faire apprendre le latin à leurs enfants. On se préparait alors ainsi aux fonctions publiques de l'Empire romain, comme on se prépare aujourd'hui, par le baccalauréat, aux fonctions publiques de l'Empire  français (1) ; mais de même qu’aujourd'hui la connaissance du latin, donnée dans de nombreux collèges à cent mille fils de famille, ne fait pas que le latin soit devenu la langue de la France ; de même cette connaissance donnée, sous le gouvernement romain, à quelques centaines d'écoliers, dans une dizaine de collèges, ne pouvait pas faire que le latin devînt la langue de la Gaule, de l'Espagne ou de l'Italie.

Une langue étrangère n’est pas une maladie qui se gagne par le contact ; c'est une science difficile, qui ne s'acquiert qu’avec du temps, de la patience et de l'aptitude.

On trouve donc parmi les anciens Gaulois beaucoup de personnes qui cultivaient les lettres ; non seulement les lettres nationales, comme les bardes, mais aussi les lettres latines. Parmi ces dernières, les unes se destinaient aux écoles de déclamation ou à la plaidoirie ; les autres étaient généralement des enfants de puissantes familles, poursuivant la carrière des emplois et des honneurs publics ; mais à cette époque, encore bien moins qu’à la nôtre, le peuple des villes ou celui des campagnes n’avait ni le loisir, ni la fortune, ni l'ambition nécessaires pour aller dans les écoles apprendre le latin.

Or personne ne le sait sans l'avoir appris, car beaucoup l'ignorent même après l'avoir étudié.

(Adolphe Granier de Cassagnac, Histoire des origines de la langue française, chap. 5, Paris, 1872.)

(1) En fait, l'Empire, que Granier avait soutenu avec zèle, avait sombré depuis deux ans quand parurent les Origines.
 
 
 

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